Sainte Anne Trinitaire > L'évolution du thème en Europe du NordTypologie
Quelques compositions adoptent le schéma archaïque, dit des poupées gigognes, où Anne porte sa descendance sur un seul bras. L’une des plus anciennes fut peinte, vers 1365, par un artiste qui connaissait l’Italie, sur le mur oriental de la chapelle de Karlstein, près de Prague. Représentée à mi corps, selon le schéma primitif du Trecento, elle est intégrée parmi les nombreux saints qui peuplent le retable.
La statuaire polychrome, a la faveur des dévots, tant est grande l’impression de réalité qui s’en dégage. Le plus bel exemple de cette composition est l’Anna selbdritt sculptée par Michel Erhart vers 1490, que conserve le Musée des Beaux-Arts de Bilbao.
Le vitrail la magnifie et l’associe souvent à un donateur, tel Pierre Babenberg, l’orgueilleux abbé de Kreuzlingen, qui accorda à l’héraldique une grande partie de la composition...(Louvre)
Représentée à mi-corps et en peinture, Anna selbdrit est tout naturellement située sur les prédelles de retables consacrés à la Vierge, où Marie et Jésus jouent, plus que jamais, le rôle d’attribut permettant de distinguer Anne parmi les saintes. Mais la plupart des œuvres de ce type aujourd’hui conservées, portant témoignage de la dévotion privée, ont été déplacées. Beaucoup se trouvent dans des musées, des collections privées ou sur le marché de l’art. A l’instar de Marie, sainte Anne est parfois représentée « en majesté », assise sur un trône.
L’un des plus anciens groupes, où passe un reflet de l’art gothique français, est la sculpture en calcaire polychrome, datée vers 1330, du Musée Diocésain de Ratisbonne18. Le vitrail de Kalchreuth, près de Nuremberg, date de 1497.Mais c’est dans le premier quart du XVIe siècle que l’on en crée le plus grand nombre. Les plus célèbres sont celles de Tilman Riemenshneider et Veit Stoss. Du premier, ou de son atelier, trois groupes sont conservés, deux à Wurzbourg (Festung Marienberg), un autre à Volkach sur le Main.Le groupe le plus remarquable, alliant la majesté d’Anne à la grâce de Marie et de Jésus, est conservé dans l’église Sainte Anne, à Vienne. Il a été imité, non sans lourdeur, par l’un de ses disciples, à Nuremberg19. A côté de ces exemples, souvent reproduits, que de chefs d’œuvre ignorés et combien de témoignages touchants abritent les églises d’Allemagne...Bamberg, Halberstadt, Berghofen, Füssen, Bayerniederhofen, Kircheim am Ries, Haldenwang, Romenthal Altensteig, Obermarchtal, Reichau, Dillingen...
La composition pyramidale qui confère à Anne la main mise sur sa descendance, telle que l’a peinte Masaccio, est peu répandue au nord des Alpes. Un groupe sculpté, probablement destiné à la dévotion privée, datant de la fin du XVe siècle, est originaire de la région de Kalkar20. Un autre, plus tardif, également issu de la vallée du Rhin inférieur, atténue la rigidité des lignes par un léger contrapposto et l’envol des draperies21.
Cette superposition de trois générations est sans doute à l’origine d’une composition assez rare où la dominante n’est plus sainte Anne, mais sainte Emerentia, sa mère. Nous n’en connaissons que deux exemples sculptés, émanant toujours de la région où s’est formée la légende, entre Meuse et Rhin22. C’est le point culminant du matriarcat, attestant que la vie se transmet par la femme et lui conférant les pleins pouvoirs, comme dans la société celte23. Mais cette accumulation n’a jamais conquis la ferveur populaire qui se limitait à la Vierge et à sainte Anne.
Il en va tout autrement pour une vision née dans la douceur de Bruges, peut-être imaginée par Hugo van der Goes. Un religieux franciscain contemple Marie, assise sur un tapis de fleurs, aux pieds de sa mère, à qui elle tend son Enfant24. Parfois, Anne, portant le costume des béguines, trône un livre à la main. Marie, assise sur le sol que recouvre l’un de ces beaux tapis d’Orient chers aux peintres flamands. Ces représentations, empruntées à la Vierge d’humilité, ici enveloppée par l’ample manteau noir de sa mère, signe d’amour et de protection, ont été très répandues dans les Flandres25 d’où elles ont gagné Nuremberg. Dans une composition d’un caractère plus profane, Michael Wolgemut a ouvert le mur, de part et d’autre du trône, pour évoquer un village de Franconie, la patrie d’Anna Grosz, représentée en donatrice, aux pieds du groupe, avec sa fille, face à son époux 26.
Le thème trouve son achèvement dans le dessin aquarellé esquissé par un disciple de Dürer, peut-être d’après le tableau précédent, mais dépouillé de tout décor, véritable anticipation du portrait de famille27. Sainte Anne Trinitaire |