Sainte Anne Trinitaire > Conclusion

CONCLUSION

Arrachées à leur contexte et divulguées par la reproduction photographique, ces images ont perdu leur sens premier et sont devenues soit incompréhensibles, soit interprétées selon des critères contemporains. Ainsi, l’enfant assis entre deux femmes ne témoigne-t-il pas en faveur de l’homoparentalité ?

Depuis Freud et son vautour, les psychanalystes se sont emparés du thème. Homosexualité, castration, sont les notions qui lui sont le plus souvent associées. Nous préférons nous référer à l’époque où surgirent de l’imaginaire collectif ces surprenantes effigies et laisser Luther lever un coin du voile quand il déclare qu’Anne avait été son idole (Abgott).

Imaginons l’émotion, voulue, ressentie par les mineurs de l’Annaberg lorsque, émergeant de l’obscurité, ils découvraient la splendeur lumineuse de l’immense basilique où la sainte était partout présente. Ou encore, dans une modeste église de campagne, les fidèles voyant surgir de la pénombre une forme majestueuse, protectrice et dominatrice, plus haute que la Vierge et son Enfant, revêtue d’une polychromie rutilante qui donnait l’illusion de la vie.

« Par la perfection et le fini de la représentation matérielle, le culte des saints a sa place dans les manifestations extérieures de la foi. Il subit l’influence de l’imagination populaire plutôt que celle de la théologie », écrit J.Huizinga dans L’automne du moyen âge et ce culte s’est tout naturellement substitué à celui des divinités païennes. Ainsi, sainte Anne serait la résurgence de la déesse Dana, ou Ana, la mère primordiale vénérée par les Celtes. La légende impie du triple mariage accrédite cette hypothèse en faisant d’une femme âgée, longtemps stérile, un symbole de fertilité. Elle engendre trois filles qui donnent naissance à sept garçons, puis la lignée s’arrête. Preuve évidente que la vie se transmet par les femmes.

S’il ne fallait retenir qu’une image de sainte Anne trinitaire, ce serait celle de Masaccio, que nous voulons mettre en parallèle avec la fresque du Trône de Grâce qu’il peignit à Florence, dans l’église Santa Maria Novella1. Dieu le Père présente à l’adoration des fidèles son Fils crucifié, sur lequel plane la colombe de l’Esprit Saint. Comme sainte Anne, il domine la composition de sa haute stature et cette Trinité céleste semble le modèle et le pendant de l’Anna metterza. A Dieu le Père correspond alors la Déesse Mère...

L’Eglise comprit si bien ce qu’avait de sacrilège la représentation de sainte Anne et de sa parenté qu’elle l’éradiqua sous le pontificat de saint Pie V.

1 Quelque temps après la rédaction de ce texte, nous avons trouvé le même rapprochement dans une fresque peinte vers 1300 dans l’église Sant Abbondio de Côme