Sainte Anne Trinitaire > Santa Anna Metterza en Italie

De l’Italie du nord à Rome

Le thème de la Sainte Parenté, ignoré à Florence, a suscité dans le nord de l’Italie quelques œuvres intéressantes, probablement influencées par des gravures germaniques. La plus importante est La Famille de la Vierge, peinte par le Pérugin pour un prix de 65 florins. Elle lui fut commandée par un habitant de Pérouse, Angelo di Tommaso Conti. Dans son testament daté du 8 décembre, jour de la fête de l’Immaculée Conception de l’an 1500, il manifeste son intention d’élever dans l’église Sainte-Marie-des-Anges, un autel où seront célébrés messes et offices à l’intention de sa parenté. Le retable qui le surmontera représentera sainte Anne et sa lignée28.

L’œuvre, aujourd’hui conservée au Musée des Beaux-Arts de Marseille, revêt un aspect monumental grâce à l’importance de l’architecture. Reprenant la composition hiératique de Masaccio, le peintre a figuré sainte Anne debout, adossée à un trône qui repose sur un socle élevé. D’un geste tutélaire, elle pose les mains sur les épaules de Marie assise qui tient Jésus sur son genou gauche. Comme dans de nombreuses œuvres, la nudité de l’Enfant met l’accent sur sa nature humaine. En contrebas prennent place deux groupes symétriques. A droite, saint Joseph, Marie-Salomé et ses fils. A gauche, Joachim, Marie-Cléophas et deux de ses quatre enfants. Ses deux autres fils sont assis sur les marches du trône.

Pour permettre l’identification des personnages qu’aucun attribut ne distingue, l’artiste a tracé leurs noms en lettres d’or au-dessus de leurs têtes. Reprenant le schéma de la Sainte Conversation, il a nettement isolé les trois principaux protagonistes des assistants et pris quelques libertés qui montrent sa méconnaissance du récit légendaire si peu répandu au sud des Alpes. Il a ainsi supprimé les deux derniers époux d’Anne, associé Joachim à Marie-Salomé et Joseph à Marie-Cléophas...

Cinq versions de ce même thème furent peintes par Gandolfino da Roreto. L’une d’elles, conservée dans la cathédrale d’Asti et datée de 1501, a servi de modèle au peintre lombard Lorenzo Fasolo, dans sa composition, signée et datée de 1513., peinte pour la chapelle Multedi de l’église San Giacomo de Savone29. Là encore, des phylactères permettent aux dévots d’identifier les membres de cette nombreuse famille.

A cette date, Francesco Francia, « orfèvre de Bologne », exécutait la commande que lui avait confiée, deux ans auparavant, Benedetto Buonvisi, riche marchand de soie de Lucques, pour la chapelle familiale, dans l’église San Frediano de cette ville. Sur un trône surélevé, inspiré du Pérugin, le groupe trinitaire domine les saints protecteurs : Sébastien, invoqué lors de la terrible épidémie de peste qui avait ravagé Lucques en 1510, Benoît, Laurent et Paul, patrons du commanditaire, de son père et de son frère. Le petit saint Jean désigne le Sauveur en déroulant la banderole Ecce Agnus Dei. La lunette qui surmonte le retable, décorée d’une Pieta, atteste la vocation funéraire de la chapelle consacrée à sainte Anne. Les deux parties de cet ensemble, malheureusement démembré, sont réunies dans un cadre du XIXe siècle à la National Gallery de Londres.

Le Vénitien Vincenzo Catena composa, vers 1520, une Sainte Anne trinitaire innovante selon une diagonale et en présence de saint Joseph (San Diego Museum of Art). Il influença probablement son compatriote Lorenzo Lotto qui, une quinzaine d’années plus tard, reprit ce schéma en prêtant à la Vierge un air songeur, presque apeuré, dont il est coutumier (Londres. Courtauld Gallery).

28 A.Chastel, Chronique de la peinture italienne de la Renaissance, Fribourg, 1983, doc.9, p.261

29 Saisie par les troupes napoléoniennes en 1812, l’œuvre est conservée au Musée du Louvre. Voir Catalogue 2012, n°8.