Sainte Anne Trinitaire > L'évolution du thème en Europe du NordMarie mise de côtéDans ces dernières compositions, Marie est toujours « la Vierge à l’Enfant », dominée par sa mère. Mais voici qu’elle quitte le giron d’Anne, glisse de son bras ou de son genou pour se tenir, modeste et frêle, debout à ses côtés. Marie est à présent dépossédée de son Fils qu’Anne présente à la dévotion des fidèles, redevenant ainsi la Magna Mater des anciens âges.
Reprenant les schémas antérieurs, Anne peut être soit debout, soit assise, Marie se situant généralement à sa gauche. Hans Baldung Grien exécuta, vers 1511, pour Erhart Künig, commandeur du couvent de l’Ile Verte à Strasbourg, un triptyque dont le volet gauche montre saint Jean-Baptiste en prières devant sainte Anne. L’Enfant qu’elle tient sur ses genoux saisit la pomme que lui présente Marie, la nouvelle Eve, thème qui jouit alors d’une grande faveur29
Cette composition semble avoir été moins fréquente que la représentation de sainte Anne assise, où la disproportion entre les deux personnages est atténuée. L’art funéraire l’adopte, comme l’atteste une épitaphe, datée de1491, dans le cloître de la cathédrale d’Augsbourg. Le maître de Messkirch l’a amplifiée dans le retable Falkenstein. Telle une souveraine au milieu de sa cour, Anne qui rapproche de ses bras ouverts Marie et Jésus, est entourée de quatre saintes, Catherine, Ursule, Barbe et Ottilie34.
Niklaus Manuel Deutsch situe, pour la première fois, le groupe trinitaire dans une gloire céleste. Anne tient un livre ouvert tandis que Jésus s’empare de celui que lui présente Marie, agenouillée devant lui. Entourée de saint Jacques et de saint Roch, Anne prie pour guérir et protéger de la peste les fidèles qui l’implorent35. On en trouve un écho dans le groupe attribué au sculpteur d’Ulm, Daniel Mauch, magnifiquement enchâssé dans le retable rococo de Steinhausen an der Rottum.
Quelques autres groupes se détachent parmi les nombreuses œuvres de dévotion, par exemple l’Anna selbdritt que Jörg Lederer sculpta pour l’église St.Anna, à Reute, où la pomme est remplacée par le raisin, allusion à la Passion future, comme dans le groupe élégant attribué au Maître de Biberach (vers 1520. Munich, Bayerisches Nationalmuseum). Hans Leinberger imagine une véritable scène de genre où Marie et Jésus s’arrachent un livre ouvert, sous le regard amusé de sainte Anne36. La dextrarum junctio, au dessus d’un livre tenu par Marie, est une heureuse création d’Erasmus Grasser pour l’église St.Anna de Prufening. Le maître de Rabenden a donné au thème des accents populaires en prenant des modèles souabes37. Il en est de même pour les imagiers qui ont sculpté, sans nul doute, d’après nature, les groupes de Leutkirch et de Stötten, toujours en Bavière.
Dürer crée l’image de dévotion la plus intime et la plus recueillie en prêtant à sainte Anne les traits de son épouse Agnés qui, tendre et pensive, effleure de la joue la tête de sa fille en prière devant le nouveau né38.
Dans la toile où il peint sa femme et ses deux aînés, Holbein le jeune transpose fidèlement le schéma omniprésent d’Anna selbdritt39. Sainte Anne Trinitaire |