Sainte Anne Trinitaire > L'évolution du thème en Europe du Nord

L’Enfant partagé

L’équilibre fut atteint lorsque, sur le modèle de la Trinité céleste, les deux mères furent assises côte à côte, de part et d’autre de Jésus. Il est difficile d’établir une évolution chronologique car toutes ces variantes ont coexisté pendant la première moitié du XVIe siècle, mais la formule horizontale est celle qui connut la plus grande faveur.

La chapelle sainte Anne dans le déambulatoire de la cathédrale d’Augsbourg est décorée d’un retable monumental de style gothique flamboyant, offert par la corporation des meuniers et celle des boulangers, sainte Anne étant invoquée pour l’obtention du pain de chaque jour. Au centre, Jésus, à demi couché, est tenu à la fois par sa mère et sa grand-mère qui semble être la sœur aînée de Marie.

Il peut être aussi debout, comme sur un tableau conservé dans la cathédrale de Nuremberg, comportant une épitaphe et les portraits des donateurs issus de la noblesse franconienne, ce qui prouve l’universalité du culte rendu à la mère de Marie.

Dans ce même contexte aristocratique, citons une œuvre de M.Reichlich, mettant bien en évidence les armoiries d’un religieux en prière devant le saint groupe représenté dans un riche intérieur, revêtu de cuir de Cordoue48.

Parfois, la scène occupe le centre d’un triptyque de quelques centimètres, destiné à la dévotion privée49. Les deux Trinités sont présentes dans le triptyque flamand conservé au Musée de Karlsruhe50.

Transcendant cette œuvre modeste, à l’apogée du thème, se situe le somptueux haut relief que sculpta, en 1513, Hans Leinberger pour le couvent St.Johann de Gnadenthal, à Ingolstadt51. Dans une architecture à l’antique, ornée de damas rehaussée d’or, trônent les deux mères également revêtues d’or et l’Enfant, dont le sexe est bien mis en évidence, porte un lourd collier. Le paradoxe est que cette œuvre où tout exalte la richesse était destinée à des Franciscaines issues, il est vrai, de riches familles patriciennes dont les blasons sont présentés par des angelots. L’iconographie est, elle aussi, très recherchée. Jésus est à l’intersection des deux Trinités, céleste et terrestre, ce qui préfigure la composition si répandue cinquante ans plus tard, lorsque sainte Anne devra s’effacer devant saint Joseph52.

48 Datée de 1499. Brixen, Diözesanmuseum.

49 Sainte Anne Trinitaire, op.cit., p.57.

50 Dietmar Lüdke, Staatliche Kunsthalle Karlsruhe. Meister von Frankfurt Anna Selbdritt-Triptychon, um 1510, 1998.

51 Les donateurs de ce somptueux bas-relief sont Veit Peringer et Jakob Riedler. Nous en voyons des reflets à Kalchreuth, près de Nuremberg, et dans une œuvre conservée au Musée des Beaux-Arts de Budapest.

52 La Trinité céleste est présente dans un triptyque du Maître au Chardonneret (1508, Cologne, Walraf-Richartz Musum), un retable d’Andreas Haller (Innsbruck, Tiroler Landesmuseum), dans le groupe conservé à Krumlov, et dans l’Epitaphe Loeffelholz à St Lorenz de Nuremberg.